Le diable dupé
Il y a bien des années, les habitants de Darstein voulaient construire une église. Les villageois tinrent conseil pour discuter du projet. C'est à ce moment-là que le diable traversa le village et voulut savoir pourquoi la moitié des habitants étaient encore debout et tenaient une discussion si animée.
Le maire reconnut l'étranger sur-le-champ et improvisa immédiatement une ruse. Il lui raconta qu'on voulait construire une auberge, mais qu'il n'y avait pas assez d'argent dans la caisse de la commune.
Cela plut au diable qui se déclara prêt à aller chercher sans contrepartie les pierres qu'il fallait dans la forêt.
Jour après jour, il apporta de grosses roches au chantier, jusqu'à ce qu'un beau jour, il s'aperçoive que la soi-disant auberge posséderait bientôt une tour. Il découvrit la véritable affectation de la construction et s'aperçut qu'on l'avait trompé.
De colère, le diable saisit un gigantesque rocher qu'il voulut lancer dans le Rhin. Mais le rocher était si lourd qu'il lui échappa et tomba au pied du Maiblumenkopf. Il s'y trouve encore aujourd'hui.
Le roi Dagobert
Au château de Landeck régnait autrefois le roi Dagobert. Il aimait ses paysans, et sa sagesse et sa justice étaient célèbres dans tout le royaume. Il fit construire de nombreuses églises et monastères et fit savoir qu'à ses yeux, tous les hommes, nobles ou paysans, étaient égaux devant la loi. Cela déplaisait à ses cousins et aux puissants du royaume, aussi l'attaquèrent-ils dans son château. Grâce à un fidèle paysan, le roi put s'enfuir et se cacher dans une haie d'épines à Geilweiler Hof. La nouvelle de l'attaque par lâcheté du château se répandit comme une traînée de poudre. Les fidèles paysans se rassemblèrent de partout et contraignirent les poursuivants à prendre la fuite. A sa mort, le roi Dagobert légua en récompense à chacun de ses serfs la propriété d'une forêt, la Haingeraiden. La haie d'épines blanches où le roi trouva refuge, s'appelle depuis " la haie Dagobert ". Elle est aujourd'hui encore sacrée et l'on dit que celui qui en coupe une branche a le bras qui se dessèche et que celui qui frappe un tronc de la hache, périt dans la misère.
Le tonnelier du château d’Arnsbourg
Entre Niederbronn et le Mühltal, le chemin est bien long, et il n'y a pas d'habitations. Seules les ruines du château fort d'Arnsbourg se dressent au-dessus d'une petite vallée. Dans le peuple on raconte que de grands tonneaux remplis des meilleurs vins se trouvent encore dans les vastes caves du château, mais personne encore n'a pu découvrir l'entrée mystérieuse.
Jadis , par une chaude journée d'été, un charbonnier traversait la forêt. Comme il souffrait terriblement de la soif, il regardait à droite et à gauche, s'il ne voyait pas une source ou un petit ruisseau, mais, à cause de la sécheresse qui durait depuis de longues semaines, toutes les sources étaient taries. Soudain, quand il fut près des rochers sur lesquels s'élèvent les ruines du château-fort, une bonne odeur de vin monta vers lui et il gémit :
"O mon Dieu, si seulement quelqu'un voulait me donner de ce bon vin qui se trouve dans les caves du château !"
Subitement, il vit sur les ruines un petit homme avec une barbe toute blanche, un tablier de cuir à la taille, un trousseau de clefs à la ceinture. Il n'y avait pas de doute : le bonhomme faisait des signes amicaux au charbonnier et l'invitait à le suivre. Le pauvre homme, près de mourir de soif, ne se fit pas prier à deux fois et suivit le tonnelier. Ils descendirent de nombreuses marches à moitié effondrées et couvertes de mousse, et ils s'arrêtèrent enfin devant une grande porte. Le tonnelier prit une clef à son trousseau et ouvrit. Ils entrèrent dans une grande cave voûtée, bien conservée et bien fraîche. Une odeur alléchante, forte et suave à la fois, les entoura. Le vieux tonnelier prit dans une niche un verre de cristal finement taillé, le remplit et le tendit au charbonnier en disant :
"Tiens, bois, c'est du vin que buvait le seigneur d'Arnsbourg et que je ne devais lui servir qu'aux jours de fêtes. J'étais son tonnelier, et je suis condamné à rester ici pendant deux cents ans encore, sans pouvoir jouir de la paix éternelle, parce que de mon vivant j'ai mis de l'eau dans le vin des serviteurs. Mais la moitié de ma peine est déjà passée, et je pourrai bientôt me reposer à mon tour".
Le charbonnier but à grands traits. Jamais il n'avait goûté un vin aussi bon ; jamais il n'avait été rempli d'une telle allégresse, de tant de jeunesse et de joie. Il remercia le tonnelier souriant, et, animé de nouvelles forces, il rentra chez lui.
Depuis, beaucoup de bons vivants et de buveurs ont visité les ruines du château d'Arnsbourg, mais le tonnelier n'est plus apparu à personne. Pendant la floraison des vignes, cependant, un parfum fort et agréable monte parfois du sol et enveloppe tout le château. Alors, dit la tradition populaire, il y aura de riches vendanges en Alsace, et en automne les caves se rempliront d'un vin généreux.
Les amours tragiques de Hannemann et de Lise
Au début du XIVème siècle, Hannemann était le chef de la famille des Lichtenberg ; homme d'action, parfait cavalier, il aimait la chasse et la guerre. Très jeune, il se maria avec Jeanne, comtesse de Linange. De cette union naquirent un fils et une fille.
Arrivé à l'age mûr, il tomba éperdument amoureux d'une jolie roturière, Lise, originaire du village de Steinbach, qui lui donna bientôt deux filles.
Sous la pression des membres de la famille, Hannemann cessa de fréquenter sa maîtresse. Néanmoins, il reprit très vite ses relations avec Lise dont il eut encore une fille. Son caractère entier et passionné ne connaissait pas de demi-mesures. Après bien des querelles familiales provoquées par sa liaison amoureuse, il répudia son épouse et installa Lise au château. Il maria ses filles naturelles de belle manière et les dota en puisant largement dans le patrimoine familial.
La colère de la famille était à son comble. Avec l'aide de son oncle maternel, EmichV de Linange, Henri III de Lichtenberg, fils légitime de Hannemann et de Jeanne, assiégea le château de son père et s'en empara. Hannemann fut jeté dans un cachot. Précipitée du haut du donjon où elle avait trouvé refuge, la belle Lise ne survécut pas à sa chute
Pour recouvrer sa liberté, Hannemann, resté captif pendant une longue année, dut prendre des engagements très contraignants. Ainsi prirent fin les amours tragiques de Hannemann, seigneur de Lichtenberg, et de Lise, la belle villageoise de Steinbach.
Les frères ennemis du château de Lichtenberg
Il y a bien longtemps, deux frères vivaient au château. Ils tombèrent amoureux de la même jeune fille et bientôt, se détestèrent mutuellement.
Leur haine réciproque devint si forte, si implacable, que l'un d'entre eux jura de faire mourir l'autre de faim. Son frère lui promit la mort par la soif.
C'est ce dernier qui réussit à faire enfermer son frère dans un cachot. Il ne lui fit donner pour toute subsistance qu'un peu de pain sec. Le captif, cependant, parvint à se désaltérer en humectant sa maigre pitance avec l'eau suintant des murs de sa prison. Le chapelain du château s'en aperçut et, soit par compassion, soit par cruauté, en informa le persécuteur.
Fou de rage d'avoir été ainsi dupé, il fit enfermer son prisonnier dans une cellule sèche et bien ensoleillée, où le malheureux, à bout de résistance, ne tarda pas à succomber. Une fois le destin scellé, le bourreau, rongé par le remords, ne supporta plus le poids de sa culpabilité. Il finit par se précipiter du haut du rocher, entraînant le chapelain dans sa chute.
Les quilles d’or du château de Windstein
Dans les Vosges du Nord, les châteaux forts aujourd'hui en ruines sont extrêmement nombreux, surtout dans la région de Niederbronn et de Lembach. Près de Jägerthal, la " vallée des chasseurs ", s'élèvent les deux châteaux du Vieux et du Nouveau Windstein.
Un jour, le jeune fils d'un pauvre berger s'amusait, près des ruines du château de Windstein, à lancer des pierres les unes vers les autres. Soudain, un beau garçon inconnu, avec des boucles blondes autour de son fin visage, en habits de velours noir, magnifiques, mais démodés, se trouva devant lui, sourit et lui dit :
"Si tu veux jouer avec moi, suis-moi au château !".
Le garçon heureux de trouver un si beau compagnon, monta derrière lui vers les ruines, et, lorsqu'ils furent arrivés au sommet, le garçon étranger apporta deux quilles et une boule. Il posa les quilles, prit la boule et la lança contre les quilles qui se renversèrent avec un bruit clair et métallique.
" Maintenant, c'est ton tour ! dit-il au jeune berger ".
Celui-ci prit la boule ; mais elle était tellement lourde qu'il put à peine la soulever de terre. Il voulut placer les deux quilles, saisit l'une et la souleva, mais elle glissa de ses mains et tomba par-dessus le mur en ruines et roula au bas de la pente.
Au bruit l'enfant étranger avait disparu. Le petit berger chercha l'autre quille qui se trouvait dans l'herbe et l'apporta, malgré son poids, à la maison. Il la montra à ses parents, et le père vit, à son grand étonnement et à sa grande joie, qu'elle était entièrement en or. Son garçon lui raconta ce qui lui était arrivé, et aussitôt, le père monta avec son fils au château pour chercher l'autre quille et la boule.
Malgré toutes leurs recherches, ils ne trouvèrent plus rien. Ils furent pourtant bien heureux de ce don précieux qui permit au berger de donner à manger à ses nombreux enfants et de mener une vie moins pauvre.